Bien que les destinations ne soient que rarement les mêmes, j’avais tout de même une routine estivalière : celle des visites.
Visites diverses, mais visites toujours.
Majoritairement guidées.
Visite de tout ce qui peut se visiter :
Ville, quartier, musée, exposition, visite thématique, visite en tout genre.
Mais à l’étranger, ça prenait une toute autre dimension.
Du haut de mes 8 ans, cela se résumait pour moi à :
Me faire trimballer dans une ville en cherchant du regard ce que l’index de la personne – étiquetée guide – pointait au bout de son bras tendu, tout en baragouinant des trucs incompréhensibles dans cette langue étrangère qu’était l’anglais.
Je m’attelais à déchiffrer les émotions partagées par la cohorte, sous la houlette du ou de la chef.fe d’orchestre : de la concentration à la surprise, des questionnements, des rictus, et de temps à autre, des gens qui se marrent. Et grâce aux cellules miroir, moi aussi il m’arrivait de me marrer, même si je ne comprenais rien.
Seulement, au bout d’un moment, j’ai commencé à en avoir ras-le-bol de me faire traîner de visite en visite aux quatre coins de la ville, souvent sous le cagnard.
J’attendais juste le moment où le petit groupe irait se mettre au frais dans une église, pour simplement bénéficier de l’atmosphère tempérée du lieu sacré.
D’un coup, le guide se mettait à parler tout bas, continuant à pointer son index à droite à gauche, prolongeant ainsi l’échauffement cervical de la cohorte.
Du coup, mes parents ont fini par trouver une carotte — du genre de celles qui vous font passer la pilule.
Une visite = une glace
J’ai repensé à ça en me demandant pourquoi j’aimais tant cette image.
Je me suis demandé si un amalgame pierre érodée / glace fondue ne s’était pas naturellement formé dans mon esprit.
Comme une performance d’un Rodin du saindoux qui aurait un peu trop pris le chaud derrière la vitre.
Le Rodin du saindoux.
Les formes qui fondent, qui molissent, qui disparaissent.
La pierre et les glaces, les saints et les cornets.
Molir et polir se confondent.
Perdre ses angles, ses reliefs — des formes qui s’effacent.
Sauf que pour une boule de glace en plein soleil, ça se fait en deux minutes, quand pour une pierre, il faut plusieurs siècles.
Finalement, tout n’est-il pas encore juste une question d’échelle temporelle ?